Mémoire Morte (ROM)

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Il existe un espace, dans la mémoire de nos ordinateurs, où sont stockées des informations même lorsqu’il y a des coupures d’alimentation électrique, même lorsque les sauvegardes ne sont pas faites. On appelle cet espace ROM (Read Only Memories) ou encore mémoire morte ou non volatile. C’est cette mémoire qui va être interrogée lors de perquisitions ou d’enquêtes judiciaires. Après avoir exploré la mémoire familiale liée aux conflits coloniaux (Algérie et Maroc) dans mon mémoire de fin d’études sous le titre : Douloureuses mémoires j’ai voulu poursuivre l’exploration en utilisant le matériau fourni par les multiples sources documentaires que toute famille accumule (films, sons, textes, photographies), moraine frontale que toute existence pousse désormais devant elle. J’ai pensé ce travail comme un parcours qui appréhende à la fois la sensation physique du temps qui passe et les phénomènes de cristallisation des souvenirs. C’était aussi l’occasion, plus égoïstement, de passer du temps avec mes grands-parents Claudine et Michel, de goûter leur présence, de prendre le temps de précisément de les filmer, de les écouter et de les regarder vivre, de partager une fois encore leur quotidien. En orchestrant -réellement puisque j’ai composé et interprété la musique proposée ces fragments mémoriels, j’ai essayé de créer un objet qui questionne notre rapport au temps, à la mémoire, à l’irréductibilité de la mort, de l’effacement progressif et continue des souvenirs. Il est peut-être aussi une interrogation plus personnelle sur une obsession qui se renforce depuis plusieurs années de conserver les traces de ceux qui m’entourent, d’enregistrer leurs voix, leurs corps, leurs gestes, d’être celui qui garde… Peut-être le moyen, pour moi, d’aller au-delà d’un travail de pure forme vers un questionnement intime autour de mes peurs. Avec la musique hypnotique que j’ai essayé de concevoir, c’est peut-être aussi le moyen d’envoûter ces peurs.