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Čapek, pre-production

    A propos

    Čapek est un court-métrage d’anticipation en pré-production écrit et réalisé par Nicolas Bono & Benoît Michaëly.
    Synopsis

    Alexandra, célébrité notable et égérie de marque, fuit les photographes d’une soirée de gala et retrouve sa demeure locale. A son arrivée, elle retrouve Čapek, son robot domestique, pris d'un comportement étrange. D’abord en refus face à cette curiosité, puis l’embrassant, se dessinent les prémices d’une relation plus intime. Alexandra doit choisir entre la passion d’une machine qui la détruit et l’apogée d’une carrière trop oppressante.
Eleonora Rudakova, interprète d'Alexandra.

Répétitions filmées avec William Palet, interprète de Čapek.
    Design de Čapek

    Dans l’industrie et la recherche, les robots sont développés avec l’idée d’égaler ou de surpasser l’être humain. Certains travaux, comme ceux de Hanson Robotics avec le robot gynoïde Sophia, cherchent à fondre les robots parmi le genre humain en reproduisant des mimiques, des gestes ou des visages. D’autres chercheurs, chez Boston Dynamics par exemple, développent des robots aux capacités techniques hors du commun et les munissent d’une technologie de pointe à des fins militaires ou tertiaire, alors que de l’autre coté du globe, la culture japonais s’accorde à s’opposer aux distopies livrées dans la fiction. Dans cette dernière, on retrouve aussi bien des peluches-robots que des robots-tueurs, leurs formes et fonctions sont aussi nombreuses que les récits dans lesquels ils évoluent. Qu’ils soient amants, intelligents ou seulement fonctionnels, un fantasme humain les lie tous : l’avènement de la robotique. Les robots ont-ils une conscience ? Peuvent-ils en avoir une ? Quelles seraient les conséquences ? 

En 2016, Boston Dynamics présentait un test du robot androïde Atlas en vidéo. Conçu principalement à des fins militaires, muni d’un tronc, d’une tête, de bras et de jambes mécaniques, les chercheurs testaient la capacité de la machine à se relever en le poussant pour qu’elle tombe aussi bien en avant, en arrière que sur le côté. La démonstration, pourtant belle et bien scientifique, fût accueillie avec beaucoup d’émotions. En effet, en commentaires et sur les réseaux sociaux, certaines personnes dénonçaient la « détresse » dans laquelle Boston Dynamics plaçait le robot avec la « violence » de leurs tests. Ces réactions inédites nous ont donné l’envie de nous pencher sur notre capacité, en tant qu’humain, à projeter une conscience sur un robot. Pourquoi certaines personnes éprouvaient de la compassion pour cette machine ? Nous avons décidé d’aborder la question dans un court-métrage d’anticipation, à travers l’histoire d’amour impossible entre un robot domestique, Čapek, et une mannequin, Alexandra Sokolov.
    Čapek est un robot qui n’a pas la prétention d’être un homologue de l’humain ni de se confondre avec celui-ci à l’instar des humanoïdes ou géminoïdes. Il assume sa nature robotique, le miroir qu’il fait de l’homme. En cela réside bon nombre des intentions de réalisation du film. Il s’agit de savoir dans quelle mesure nous sommes capables d’entrer en compassion avec un objet, une entité qui n’a fondamentalement pas forme humaine (un robot) et d’en percevoir une certaine individualité.

L’essence même d’un robot, ce qui le définit comme tel, est sa présence physique dans l’environnement et sa capacité à interagir avec celui-ci. Là aussi s’inscrivent de profondes volontés artistiques, d’autant qu’elles dépeignent expressément notre faculté à percevoir d’un objet ou d’un sujet, quelque soit sa nature, une certaine identité, une certaine condition ontologique. Cependant, cette volonté artistique implique à la mise en œuvre du projet une contrainte de taille : celle de rendre présent Čapek et ce dès le tournage du film. Nous nous interdisons donc d’imprimer à l’image le robot seulement lors de la postproduction, en image de synthèse - de la même façon que Gabe Ibáñez réalise avec brio en 2014 Automata. Pourtant, et ce de façon paradoxale, ce robot que nous souhaitons présent, ne l’est que par l’illusion qu’il s’agit d’un robot ; car véritablement il ne s’agira que d’un comédien en-costumé. L’idée subsiste pourtant : mentir le mieux possible pour se rapprocher du vrai, dès la captation du film, de façon à ce que l’ensemble des interactions susceptibles d’exister puisse le faire au moment où les instants sont vécus par nos comédiens et perçus par nos corps techniques et artistiques.
    Čapek se définit par sa fonction et l’environnement auquel il se destine. Le robot nous permettant de développer notre fiction répond d’une certaine sophistication qui elle-même désigne une gamme luxueuse et onéreuse. De ce fait l’élégance, une certaine neutralité, l’esthétique, la discrétion sont de mise. Cette conception luxueuse appelle à définir ce robot comme une pièce rare si ce n’est unique, comme une œuvre de design distinguée, semblable un objet d’art que l’on exposerait ; un objet où la technique se meut avec élégance et se fond dans l’esthétique.

Le rapport que nous souhaitons entretenir à la condition de Čapek implique qu’il soit proche et intègre vis-à-vis de sa nature robotique. Pourtant ses fonctions l’obligent à se rapprocher de la structure humaine, d’en faire un androïde. L’homme est genré. Čapek est ingenré, du fait qu’il soit un robot et qu’il ne soit pas question de sexualité chez ses derniers. Pourtant, dessiner un androïde, de part leurs représentations et représentants, sans entrer dans des caractéristiques de genre s’avère risqué. Il nous a semblé alors judicieux de concevoir ce robot autour d’une forme androgyne. Non seulement proche de notre propos, cette position, en plus de répondre à une neutralité fictionnelle commerciale et sociale, nous apparaît comme étant la plus juste vis-à-vis de l’intégrité que nous souhaitons à Čapek.

Čapek adopterait un aspect au croisement de l’organique, du synthétique et du minéral. Une forme de juste milieu permettant de se positionner sur cette identité robotique et ses inspirations du vivant tout en paraissant partiellement inerte. En cela réside le mystère ontologique que nous désirons inculquer à ce robot, et ce jusque dans sa forme.
    Au-delà de l’identité esthétique de Čapek, incapables sur le plateau de disposer d’un véritable robot en mesure de répondre à aux attentes de la mise en scène, la réalité du tournage, elle, sera qu’un acteur, William Palet, interprétera Čapek en-costumé.  L’ensemble est conçu sur la base du modèle en trois dimensions de ce dernier, scanné via des techniques de photogrammétrie. Le costume est travaillé sur une approche de seconde peau, ajustée sur les mensurations présentées par le modèle 3D de notre interprète.

Paradoxalement, l’idée d’une seconde peau semble entrer en confrontation avec l’idée d’un robot mécanique. Pourtant nous sommes en mesure d’y trouver, et ce dans une juste mesure, ce croisement tant souhaité entre organique, synthétique et minéral - ou mécanique. Cette seconde peau se pare d’un aspect plastique satiné par endroit (PMMA Perspex© Black Frost), d’une finition métallique par ailleurs, elle-même dans des teintes suggérant des dimensions charnelles - à la frontière du cuivre et de l’or rose, permettant de lié métal et corporel de façon élégante. C’est cette même seconde peau qui devra, du fait d’être portée et jouée, interagir et réagir de façon symbiotique avec notre comédien. De cette même manière, nous nous positionnons dans une délicate nuance entre la réactivité de l’organique et l’inertie de la mécanique.

Non seulement pour des affinités esthétiques, techniques mais aussi artistiques, nous fûmes rapidement séduit par l’idée d’un design polygonal, répondant à la fois à une élégance et un raffinement empruntés aux pierres précieuses - en plus de complaire à nouveau à nos désirs de minéraux -, mais aussi à un style propre à la modélisation numérique - elle-même issue d’une «décimation». Cette même «décimation» correspond à une réduction de la résolution des polygones d’un modèle donné en un ensemble de triangles. Dans une comparaison avec la structure de l’épiderme, des plaquettes, nous y trouvons là une dialectique intéressante : d’un robot encore sous-défini, en-dessous des capacités propres à l’Homme - bien que nous envisagions qu’elles soient en devenir.
Sur la base d'une scannérisation 3D du corps de William Palet, interprète de Čapek, réalisé par Hervé Roche de Reves 3D.

Structure interne du visage de Čapek
    Pour sa proximité au projet et son interprétation du personnage, nous avons choisi William Palet pour jouer Čapek. En l’occurrence, nous partons d’une silhouette masculine et athlétique afin de réaliser un androïde androgyne. L’ajout d’attributs tendant à suggérer la féminité dans une juste mesure permet d’estomper les caractéristiques définissant le corps de Čapek dans un genre ou l’autre, de lui faire bénéficier d’une relative neutralité.

La répartition de l’ensemble des polygones composant Čapek est réalisée en partie par génération numérique - bien que paramétrée et ajustée notamment quant à leur densité et aux techniques développées par la suite. Le maillage composant le matériaux qui définit Čapek, se pare alors d’une dimension dont nous n’avons que partiellement le contrôle, ce qui est un nouvel enrichissement esthétique vis-à-vis de l’individualité que nous souhaitons à ce robot.

La réactivité de la peau se définit par sa flexibilité et son élasticité. Pourtant la base matérielle sur laquelle nous réalisons le corps de Čapek est un objet rigide, démuni de toutes propriétés élastiques ou flexibles - du moins sous des mesures négligeables suivant l’utilisation que nous souhaitons en faire. Ces deux aspects sont pour autant possibles : réalisés à partir de cette même pièce de plastique (PMMA) Perspex©, contrecollée sur une base textile technique et hautement performante, ils sont mis en œuvre par la présence simultanée de découpes profondes accompagnées de biseaux permettant de retrouver la flexibilité du tissu présent sous la matière plastique ainsi qu’un motif auxetic appliqué sur l’ensemble du maillage, suivant une répartition répondant aux contraintes physiques liées aux articulations du corps qui possédera et interprétera le robot, offrant au maillage une élasticité remarquable - jusqu’à plus de 50% de son état initial. L’ensemble se trouve alors en capacité de répondre et réagir quasi-totalement aux moindres mouvements de notre interprète, permettant ainsi de développer pleinement le personnage de Čapek ainsi que son caractère esthétique et physique.
    L’application des motifs auxetics au maillage du costume - lui même répondant de contraintes relatives à cette mise en oeuvre - est effectué à l’aide d’un algorithme. Ce dernier est développé par un chercheur en robotique : Guillaume Bono. Il permet non seulement un gain de temps considérable mais aussi l’exactitude des motifs et la vérification du maillage sur lequel il est appliqué.
Interface de visualisation de l'algorithme apply_pattern, par Guillaume Bono
Paradoxalement, nous nous positionnons sur une composition cellulaire, dont chaque élément, bien qu’unique, répond d’un motif global permettant de démultiplier les propriétés des interactions opérant entre chacun d’entre eux. Pourtant, cette structure cellulaire réponds d’un fonctionnement relativement simple, d’une composition très synthétique et d’une allure mécanique et minimaliste.

De plus, toutes les propriétés présentées par ces techniques permettent, à partir d’une découpe plate, de retrouver aisément les formes dessinées et attribuées au robot tout en conservant la flexibilité et l’élasticité nécessaire à son bon fonctionnement. C’est par des techniques de découpe numérique laser et à fraise que l’ensemble du costume est réalisé. Il nous est cher de conserver les finitions esthétiques présentées par les matériaux Perspex© qui seraient trop compliquées à retrouver sur une base d’impression 3D, même apprêtée. Réalisés à l’aide d’une fraiseuse numérique, à cela s’ajoute des pentes et biseaux à la lisière de chaque polygone répartis de façon progressive suivant les différentes zones du costume. Non seulement elles facilitent et permettent à cette « seconde peau » de se plier vers l’intérieur, mais elle parent le robot d’un nouveau motif, affinant et enrichissant considérablement son esthétique.
Remerciements spéciaux à Bertrand Merle  directeur des ventes chez Perspex©, Jean Nelson et Isabelle Laurent co-fondateurs de Youfactory©, à Hervé Roche de Rheve 3D©, ainsi qu’à Guillaume Bono, Peggy Odin, Sophie Rossi Paul-Jean Tavernier.
Čapek, pre-production
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Čapek, pre-production

Court-métrage d’anticipation en pré-production écrit et réalisé par Nicolas Bono & Benoît Michaëly. Design 3D et conception : Nicolas Bono Matéri Read More

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