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Expérience de guérison

20 ans du CAN

Pour fêter les vingt ans du centre d’art, l’équipe du CAN a imaginé une grande exposition collective dans les abattoirs désaffectés de Serrières.

Les vestiges des anciens abattoirs de Serrières s’étendent le long de la route nationale qui surplombe le lac de Neuchâtel. Que ceux qui craindraient les fantômes des milliers d’animaux mis à mort ici se rassurent. Même si la friche industrielle a été laissée dans son état initial, un magnétiseur a œuvré afin de purifier tous les espaces du site. Pas de mauvaises ondes donc. Le destin tragique du lieu est au contraire magnifié par les interventions artistiques.
Une soixantaine d’artistes étant intervenus «in situ», pour la visite il est indispensable de se munir du plan disponible à la réception, à droite du bâtiment. De là, on peut par exemple choisir d’explorer la quinzaine d’œuvres disposées tout autour des bâtisses. Par exemple, comme une menace immobile, Quid pro quo, de Markus Kummer, une pierre suspendue au toit par une chaîne, accueille le visiteur. Palmyre de Tarik Hayward, deux séries de colonnes en sagex recouverts d’une matière poisseuse jaunes pâles, délimite la surface. Un peu plus loin, une yourte blanche de Nicolas Momein, dont l’intérieur est également jaune pâle, offre un havre de paix et diffuse une discrète senteur mielleuse. Quand aux Frères Chapuisat, en résidence durant un mois jour et nuit dans les abattoirs, ils ont aménagé sur le toit d’un édifice, des Thermes. Une structure en pin à escalader permet d’atteindre un bassin où des baignades cérémoniales ont lieu. À l’eau chauffée est additionné le reishi, une variété de champignons déjà connue des empereurs romains à qui elle assurait longévité. Une champignonnière ouverte au public a été aménagée sur le site afin de pourvoir la substance aux propriétés traditionnelles.
À l’intérieur des édifices, les expositions se succèdent densément dans diverses salles aux noms évocateurs. La Blanchisserie accueille Last night was different de Tom Dale, une sorte de station de lavage pour voiture composée de quatre rouleaux verticaux poilus. Dans la Pharmacie, La région inférieure de Bruno Botella fait écho à Antichton présentée dans la cave, au sous-sol. Les deux interventions empreintes d’une même atmosphère obscure montrent des eaux saumâtres où flottent d’étranges protubérances. L’ «Institut de la nouvelle alliance (INA)», un magnifique espace recouvert de carrelage vert tilleul, contient un groupe d’œuvres dont deux combinaisons blanches de Gyan Panchal. L’une recouverte de tâches violettes, semblable à ce qui pourrait être du sang d’Alien, est suspendue à un crochet comme une peau. L’autre, immaculée, flotte dans les airs tel un ange.
Au gré de la déambulation, les méandres labyrinthiques des abattoirs révèlent encore des dizaines d’espaces et d’œuvres offrant pour certaines des visions hallucinantes. Sorte de requiem abstrait, l’Hospice des Mille- cuisses se vit ainsi comme une traversée ludique du paysage artistique régional.

Josiane Guilloud-Cavat

L’Hospice des Mille-Cuisse
Jusqu’au 3 octobre
Grande manifestation pour les 20 ans du CAN
Dans les anciens abattoirs de Serrières, près de Neuchâtel
www.can.ch
Expérience de guérison
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Expérience de guérison

Compte rendu de l'exposition l'Hospice des Mille cuisse réalisée pour les 20 ans du CAN - Centre d'art de Neuchâtel

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