L’exposition Biens publics au Musée Rath, commissionnée par Christian Bernard directeur et fondateur du Mamco, est une nouvelle manière de présenter le patrimoine contemporain genevois.

Le Musée Rath comme lieu de monstration est loin d’être anodin. Inauguré en 1826, bâti grâce à des fonds offerts à la République de Genève par les sœurs Jeanne-Françoise et Henriette Rath, il est le précurseur des écoles d’art à Genève et le premier musée suisse à abriter des classes de dessin. Durant la Première Guerre mondiale il avait été mis à la disposition de l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG) fondée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Deux faits au moins pour en faire un socle historique idéal.
Le titre de l’exposition fait écho à Biens communs I, II et III, une série de présentations qui valorisaient intramuros la collection du Mamco en révélant les trésors accumulés par l’institution depuis ses débuts. Un type de présentation qui soulignait le caractère public de la collection, propriété des genevois.
Le positionnement de l’événement s’inscrit d’une part dans la continuité du programme anniversaire d’échange entrepris par le Mamco en 2014, à l’occasion de ses vingt ans. Durant l’année 2014, le musée avait multiplié sa présence dans la Cité avec diverses expositions dans des lieux culturels partenaires.  Biens publics montre d’autre part l’étendue du patrimoine contemporain public genevois, puisqu’elle réunit des œuvres provenant des collections du MAH, du Fonds cantonal d’art contemporain et du Fonds municipal d’art contemporain en dialogue avec celles du Mamco.
Certaines salles sont monographiques, comme celles consacrées à John M Armleder, Christian Marclay ou Franz Gertsch. D’autres mettent en présence des duos – curieux ou non – comme Balthasar Burkhard et Marie José Burki, Mario Merz et les Defraoui, George Segal et Denis Savary. Enfin, des trios entrent en dialogue : Urs Lüthi, Jürgen Klauke et Tony Morgan ou Markus Raetz, Tony Cragg et John M Armleder, par exemple. Le sous-sol du Rath est occupé, dans sa partie centrale, par un kiosque à dessins, sur le modèle de celui existant au Mamco. À gauche, la grande salle est consacrée aux peintures abstraites. L’art vidéo est également mis en exergue avec une sélection d’œuvres du Fonds André Iten appartenant au FMAC.
Par ailleurs, afin de souligner le fait que ces institutions ne sont pas que les gardiennes du passé, mais qu’elles doivent aussi rendre compte de la création la plus actuelle, l’exposition présente deux installations originales commandées aux artistes Christian Robert-Tissot et Mai-Thu Perret, réalisées spécifiquement pour le Musée Rath.

LE FMAC
Le Fonds municipal d’art contemporain (FMAC), qui existe depuis 1950, est actuellement alimenté par le 2% prélevé sur les crédits votés pour la construction, la restauration ou la rénovation des bâtiments de la Ville de Genève. Jusqu’en 1973, il ne prenait en charge que les commandes publiques et les œuvres intégrées à l’architecture, ou disposées sur le domaine public. Par la suite, il s’est attelé à l’acquisition d’œuvres mobiles, réalisées par des artistes suisses vivants, ou reliés au pays. À ce jour, sa collection comporte environ deux mille quatre cents pièces, y compris les interventions sur le domaine public. De plus, la Médiathèque du FMAC, ouverte en 2009, conserve et met à la disposition du public une vidéothèque de plus de 2'000 films d'artistes. Le catalogue en ligne témoigne de la diversité de la collection et révèle son lot de trésors. Par exemple, Kugler 360°, une série de quatre peintures de Philippe Fretz (*1969) représentant l’usine Kugler dans des atmosphères post-métaphysiques proches de certaines huiles sur toile de Thomas Huber (*1955). Bolano, un ensemble de dix neuf peintures de Luc Andrié (*1954) dont le sujet, à peine perceptible, est le visage de Roberto Bolaño, un poète et romancier chilien disparu en 2003. Cession d'une zone de sensibilité picturale immatérielle, une suite de sept photographies de 1962, documentant une transaction immatérielle entre Yves Klein et Pierre Descargues. Ou encore, Quality In Everything We Did, une sculpture de Joëlle Flumet (*1971) que le public a pu découvrir à Artgenève 2015. L’œuvre avait fait couler de l’encre en 2012. Après avoir été  installée sur la façade des anciennes usines Maag à Zürich, le cabinet d’audit financier EY (Ernst &Young), qui n’avait pas apprécié que l’artiste ait détourné leur logo, avait obtenu la censure de l’œuvre.

Le FCAC
Le Fonds cantonal d’art contemporain existe lui depuis 1949 et intervient aussi comme un soutien financier et logistique aux projets culturels émanant des communes genevoises. Selon la loi cantonale C309, des crédits sont alloués à son attention au service cantonal de la culture par le Grand Conseil au Conseil d'Etat dans le cadre du vote du budget annuel.
La collection du FCAC comprend près de 3000 éléments dont certains spectaculaires comme Sans titre (Furniture Sculpture) de John M Armleder (*1948), un assemblage mural de huit tables en formica coloré, The Family, de Maï-Thu Perret (*1976), ou encore Flash #2 de Lang/Baumann (Sabina Lang, *1972 et Daniel Baumann, *1967) une installation éclairés de l'intérieur par une lumière néon éblouissante, également présentée cette année à Artgenève.
Le Fonds alloue aussi des bourses pour la programmation, l’écriture sur l’art et le commissariat d’exposition qui aboutissent à des propositions artistiques à partir d’œuvres du FCAC.  Par exemple cette année, Fabienne Radi signe un ouvrage intitulé Cent titres, soit cent textes de fiction réalisés à partir de cent titres d’œuvres sélectionnées dans la collection du Fonds. Carole Rigaut et Julien Amouroux (Le Gentil Garçon) commissionnent l’exposition Tout se qui se fait sous le soleil qui montrera pour la première fois en France des œuvres de la même collection.
La commande publique est un volet important de l'activité du FCAC qui pilote, notamment, le projet art & tram initié en 2009 par quatre commune traversée par la ligne du tram 14. Monochrome rose de Pipilotti Rist (*1962) sera la dernière des six œuvres de ce projet qui sera finalisé en 2016.
Ce bref tour d’horizon montre comment Biens Publics s’avère être une sorte de cartographie tridimensionnelle issue d’un tissu culturel régional.  Celui-ci s’avère apte à saisir les productions contemporaines qui émergent en « temps réel. Inévitablement de nombreuses œuvres passent entre les mailles du filet et échappent à la sélection. Celles qui résident laissent toutefois présager de l’ampleur de l’iceberg laissé dans l’ombre. 

Be Good ! Be Bad ! Just Be !
Grande première dans l’histoire du mécénat culturel. Be Good ! Be Bad ! Just Be ! de Sylvie Fleury a récemment été restaurée grâce au soutien de la Fondation BNP Paribas. La grotte, réalisée sur la base de dessins de Sylvie Fleury avait été présentée lors de la grande rétrospective que le Mamco avait consacré à l’artiste en 2008 et 2009, Paillettes et Dépendances ou la fascination du néant. Très appréciée par le public, tant les petits que les grands, elle avait par la suite été conservée au Mamco. N’ayant pas vocation à être pérenne, ses matériaux constitutifs avaient toutefois nécessité une maintenance importante. La dégradation progressive du polystyrène avait finalement conduit à sa fermeture en 2012. Grâce au soutien de la Fondation BNP Paribas pour l’art Suisse, sa restauration a pu être mise en œuvre. Selon Thierry Lagache, secrétaire adjoint de la Fondation, l’expérience est exceptionnelle. En effet, la fondation active pour l’art depuis 1994, avec notamment un programme de restauration des œuvres conservées dans des collections permanentes, entre pour la première fois en matière dans la rénovation d’une œuvre contemporaine.

Josiane Guilloud-Cavat


Cycle Des histoires sans fin, printemps 2015
Du 18 février au 10 mai 2015
Mamco, Musée d’art moderne et contemporain, Genève
www.mamco.ch

Biens Publics
Du 27 février au 26 avril 2015
Musée Rath, Genève.
www.mah-geneve.ch


Image : 
Balthasar Burkhard, Le Buffle, 1997.
Photographie n/b contrecollée sur aluminium tirage unique, 240 x 298,5 cm.
Collection du Fonds cantonal d'art contemporain.
Crédit photo : Serge Frühauf.
État de Genève, n°inv. 2219/A-C
Biens publics
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Biens publics

Une présentation de l'exposition Biens publics présentée au Musée Rath à Genève.

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