Je ne disais rien. Je ne regardais personne.
 Le dernier souffle. Le face à face. La réalisation. L'euphorie.
 La femme du juge n'est plus parmi nous. Ma Marguerite, mon adorable mémé.
 Les chants. Le deuil. Les paroles. Les murmures. Les yeux larmoyants. Les joues collantes.
 Les funérailles.
 On se levait. On s'asseyait. Les prêtres chantaient, les prêtres marmonnaient.
 Je ne faisais attention a rien d'autre que ce bouquet. Et mon petit orteil.
 Ces horribles chaussures avaient déchiquetées mon petit orteil, il me faisait mal.
 Du coin de l'œil, je regardais le cercueil. Et je souriais alors. Comme une débile.
 Le soir, tout le monde avait le sourire sur le visage.
 Comme si enterrer quelqu'un pour de bon est une sorte d'émancipation.

 Et je m'endormis alors, dehors, sur la balançoire, dans la froideur de la nuit.
 Pensant. A la définition d'une vie.
 Naissance. On n'est jamais compris. Bébé on est bébé. Enfant on est enfant.
 Adolescent c'est délinquant. Adulte c'est pas encore acquis.
 Vieillard c'est cinglé, barge, pourri, alcoolique pour certains.

 Grand mère n'était rien de tout ca.
 Pour finir sa vie dans une boite en bois bien rangée dans une maison en béton dont la porte est en fer, avec
 une croix gravée dessus.

 Quand la mort n’existe plus.
 Qu’est-ce qu’il en reste ?
Les restes. Et puis rien. »