AGAMEMNON dixit
by Agamemnon
Agamemnon (en grec ancien Ἀγαμέμνων / Agamémnôn, « immuable, obstiné »)
A l’époque encore toute proche de la pellicule photographique, il arrivait qu’on oubliât de faire tourner la molette avant de prendre une nouvelle photo. On obtenait alors au tirage, oh surprise ! la figure de grand-maman incrustée dans la portière de la voiture ou les jumeaux en deux exemplaires sur le même cliché. Le tireur du labo devait s’amuser de ces ratages de photographe du dimanche.
Mon propos n’est pas de reproduire les facéties de la technique. Il s’agit de donner à mes images une autre dimension, de faire de chacune d’entre elles le lieu de la superposition de plusieurs moments d’un même récit. Chacune pouvant alors s’appréhender comme un raccourci entre deux ou trois scènes successives. Ces télescopages temporels provoquent une superposition des lieux, bien sûr, les scènes en question pouvant se dérouler dans des décors différents. La lecture en est rendue plus difficile mais la chose montrée enrichie.
Les outils techniques que j’utilise permettent ces raccourcis. La définition de la photographie s’en trouve mise à mal si on considère que je produis des images qui s’apparentent à ce medium. Mais je ne suis pas photographe, ma recherche plastique est orientée vers la peinture. Ces images, au départ, devaient être peintes et servir de maquettes à des tableaux que, finalement, je n’ai pas peints. Le nombre et la complexité de ces images m’interdit de les transposer toutes sur la toile et m’amène à les laisser exister pour ce qu’elles sont. L’impression numérique s’impose alors comme une seconde voie, comme une alternative à la peinture.
Libre à vous d’entrer, de vous faufiler entre les couches de ce récit, de vous glisser entre les personnages qui occupent le premier plan et tous ceux qui se perdent derrière eux.
Agamemnon dixit, série 1, 2017, impression numérique, 40 X 50 cm
Agamemnon dixit, série 2, 2017, impression numérique, 40 X 50 cm
Agamemnon dixit, série 2, 2017, impression numérique, 50 X 70 cm
Le héros, quand il franchit la porte de son appartement et pose ses clefs sur la console de l’entrée, n’en est plus vraiment un.
« Etablir la liste des choses accomplies ce jour
Manger dormir boire être »
Le texte qui s’inscrit sur l’image comme le sous-titrage d’un film en VO témoignent de la banalité de l’existence qu’il mène. Les poses qu’il prend pour tenter de conserver son statut ne trompent personne. Les mots sont là pour dire ce qu’il est vraiment.
« Je ne suis qu’une peau une bête apeurée
Un homme nu un écorché »
Son chapeau, la voiture noire dans laquelle il embarque avec ses hommes de main, l’arme à feu qu’il dissimule sous sa veste n’y changent rien.
Chacun sait qui est Agamemnon et lui le sait aussi. Tout ça n’est qu’un jeu de dupes où les dupes n’en sont pas vraiment. L’écart est grand entre ce que les images nous montrent et ce que nous disent ces phrases sans ponctuation qui y sont incrustées mais tout le monde y trouve son compte.
Agamemnon retrouve son statut de héros dès qu’il ressort de son appartement. Seules les clefs dans sa poche témoignent de son humanité.
