Publié dans Espaces Contemporain Magazine
 septembre 2012








Le Pop Art s'est imposé aux yeux du grand public comme le mouvement le plus influent de l'après-guerre. Lié à l'esthétique des biens de consommation, il était pourtant porté, à son origine, par des artistes en rébellion avec les courants ambiants. 

Actuellement, si la nature subversive du mouvement s’est diluée, le Pop Art reste une référence historique qui légitime les liens entre culture savante et populaire. Ce n’est ainsi pas étonnant si les manifestations qui le mettent en scène se multiplient. A Bâle, le Vitra Design Museum lui consacre une exposition, insistant sur l’influence opérée par les designers sur les motifs pop. Perrier, la célèbre marque d’eau pétillante, qui avait déjà fait appel en 1963 à Andy Wahrol pour une campagne publicitairea mandaté Ogilvy. L’agence de publicité parisienne a produits des visuels directement inspirés par les personnages issus de bandes dessinées que Roy Lichtenstein reproduisait dans ses peintures.Pour la Galerie Perrotin, Haruki Murakami, artiste japonais pop prisé des collectionneurs, revisite les monochrome bleu, or et rose d’Yves Klein. Avec des peintures colorées et saturées de motifs lisses, relativement peu inspiré des originaux présentés conjointement dans la galerie, il donne une ultra lisibilité à ces œuvres historiques. En parallèle à ces manifestations, les reproductions des motifs du Pop Art sont partout. Parfum, vaisselle, casquettes, coussins, chaussures de sport, étuis pour IPhone, boîtes de chocolats, papeterie, mais aussi couvertures de livres, programmes télévisés, titres de presse, publicités… rien n’échappe à l’influence pop.

Le Pop Art a ainsi gagné depuis ses débuts son pari de popularité. A la manière des pop corn, ces grains de maïs qui, au contact de la chaleur gonflent et éclatent, son sens saute aux yeux et à l’esprit, instantanément. Cette accessibilité, qui donne sans effort l’agréable sensation d’appartenir à un univers intelligible, dont le sens se donne sans mystère, est sans doute un des facteurs du succès du mouvement. Un autre résidant dans l’agencement séduisant de signes immédiatement reconnaissables, de formes dynamiques, de couleurs primaires ou saturées, apparemment dénuées de sous-entendus critiques. Miroir d’un monde sans face cachée et résolument positif, le Pop Art, avant de devenir cette marchandise idéale, était pourtant un langage ironique avec lequel les artistes anticipaient, justement, les symptômes de mercantilisation du monde. 


Public cible
Les premières émergences d’un esprit pop dans l’art pourraient s’être manifestées à Paris, déjà à l’aube de la première guerre mondiale. L’expression Pop Art n’existait pas encore lorsque le poète Guillaume Apollinaire théorise, en 1910, l’orphisme, un mouvement artistique centré sur quatre artistes français, Marcel Duchamp, Robert Delauney, Francis Picabia et Fernand Léger. En cherchant à rompre avec l’hermétisme supposé du cubisme, qu’il perçoit comme trop analytique, il encourage les artistes, entre autre, à simplifier leur langage pour atteindre un nouveau public, celui des masses naissantes, ceci tout en restant à l’avant-garde, soit en opérant le saut vers l’abstraction que les cubistes tardent à faire. Robert Delauney, son proche ami, réalise alors avant l’heure «Disque», une peinture à connotation pop qui est tout à la fois une abstraction et la représentation d’un objet dynamique, coloré, presque agressif, et directement issu d’un répertoire de formes populaires. Une efficacité que Jasper Johns, l’auteur de «Flag» en 1954, aurait pu lui envier tant elle est précoce. D’autres œuvres de Delauney, comme l’«Equipe de Cardiff», confirme cette tendance à intégrer dans son vocabulaire plastique les langages émergents de la publicité et du sport. Toutefois, la première et la deuxième guerre mondiale mettront violemment fin à ces expérimentations, et en France, ce sont les surréalistes qui monopoliserontl’attention à l’issue des conflits.


This is tomorrow
Le Pop Art, naît donc réellement, en tant que mouvement, en Angleterre. Il se manifeste la première fois dans une exposition de groupe en 1956. Intitulée «This is Tomorrow», elle est présentée à la Whitechapel Art Gallery à Londres et elle montre principalement des travaux d’artistes appartenant à l’Independent Group(IG). Les intellectuels qui forment ce groupe sont des architectes, des critiques ou des artistes à la recherche d’un art qui s’éloignerait de la tradition artistique des hautes sphères sociales et de l’expressionnisme abstrait, alors dominant. Pour cela, ils puisent dans une nouvelle culture émergente, nourrie par les médias de masse et par Holywood. A la différence de la culture savante qui suppose une érudition, celle dont ils s’inspirent permet une compréhension facile et amusante pour un public enclin à apprécier des formes subtiles, même s’il n’est pas familiarisé avec l’histoire de l’art. Cette approche, moins superficielle qu’il ne paraît, tend à atteindre l’homme de la rue, mais aussi à avoir une emprise sur les lois naissante d’un marché prolifique, dont les masses sont les cibles. Elle anticipe les réflexes des consommateurs qui se développeront par la suite, ainsi que la mise en place de nouveaux outils transdisciplinaires de communication. J.C. Ballard, un écrivain de science fiction proche du groupe, remarque en 1971 : « On peut presque imaginer une époque où l’espèce de rôle spécifique du peintre ou du sculpteur ne sera plus nécessaire, où l’ingénieur d’un Boeing dessinera un nouvel avion de ligne et où la forme qu’il donnera à un engin renfermera tout les commentaires ironiques et imaginatifs sur lui-même que l’imagination particulière d’un artiste fournit actuellement ». Que la question« de faire des œuvres d’art qui ne soient pas de l’art » soit soulevée par J.C. Ballard, n’est pas anodin. Il est un écrivain de science fiction qui s’inspire du présent sans fantasmer sur le future. Dans son livre «La Foire aux atrocités» publié en 1968, il s’intéresse entre autre au suicide de Marylin Monroe, à la bombe d'Hiroshima , à l' assassinat de John F. Kennedy et aux encastrements de voitures de luxe. Des thèmes auxquels Andy Wahrol, notamment, s’était déjà intéressé dans ses sérigraphies. Sa série d’accidents de voiture fascinant toujours autant, puisque le 16 mai2007,  «The Green Car Crash» a été vendus 71,7  millions de dollars à Christie’s New York, s’inscrivant ainsi dans le record des dix œuvres les plus chères vendues aux enchères (Le Temps 5.2.2010).

Les artistes, les architectes et les designers liés au Pop Art ont ainsi témoigné de la transformation accélérée du monde occidental, et de sa naissance (masse) médiatique. En puisant dans l’iconographie réelle du milieu du XXe siècle, en la faisant éclater, ils ont forgé un type d’esthétique qui marque toujours les esprits et les formes, et qui est maintenant inscrit dans l’industrie. « Je voudrais être une machine » disait Andy Wahrol. L’individu du XXIe siècle en est presque une qui se nourrit à l’infini des images éclatées que son imaginaire génère, recycle et transforme en biens consommables. Une manière d’assimiler, en les matérialisant, les productions de l’inconscientcollectif saturé de signes.
Andy Warhol (American, 1928-1987). Green Car Crash (Green Burning Car I), 1963. 
 Synthetic polymer, silkscreen ink and acrylic on linen. 90 x 80 in. (228.6 x 203.2 cm).
 © Andy Warhol Foundation for the Visual Arts. Christie's Images Ltd. 2007

Pop Corn Stratégie
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Un article autour des événements inspirés du Pop Art

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